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"Je suis venu pour vous rappeler ce que vous avez oublié – Dieu. " Srila Prabhupada

Naufrage du Concordia: l'océan est-il un lieu de plaisance?(2/2)

Naufrage du Concordia:
l'océan est-il un lieu de plaisance?

(2/2)

 

 

(suite de la Première Partie)

 

 (2) L’instabilité :Appliquer à la réincarnation, cette métaphore traduit l'inconstance, la fluctuation constante d'une naissance à l'autre; l'être est balotté constamment entre "bonne " et "mauvaise " naissance, entre bonne et mauvaise situation. Pour illustrer cet état d'inconstance la culture védique utilise, outre celle de l'océan, la métaphore de la roue: la roue des samsâras (ironiquement, ce nom de “samsara” a été attribué aux services spa à bord du Concordia). Cette roue des samsâras symbolise fort bien la position instable et changeante de l'être pris dans le cycle des morts et renaissances répétées. L'être vivant incarné tourne constamment d'une situation privilégiée (en haut de la roue avec la forme humaine) à une situation difficile (en bas de la roue avec la forme d'insecte) . Tout comme dans la "grande roue", cette attraction pour grand public, l'être est parfois "au sommet " et jouit un maximum de l'existence et d'autres fois, en bas, et son plaisir est trés atténué (ou il souffre même). Parfois l'être naît dans des circonstances plutôt agréables, profitant des quatres atouts majeurs de l'existence matérielle : une naissance au sein d'une bonne famille, une bonne éducation, une apparence physique agréable, et une situation aisée. Mais d'autres fois, dus aux aléas de l'existence et de son karma, l'être se voit confronté à des situations pénibles : une naissance dans une famille médiocre, sans réelle éducation, son corps est laid et il vit dans la pauvreté.

 

Wheel-20of-20Samsara.jpgLa roue des samsaras

 

Evidemment lorsque l'on parle de karma et de destiné, il faut s'attendre à ce que les choses ne soient pas parfaitement définies. Ainsi, une naissance n'est jamais complètement bonne ou complètement mauvaise. Ultimément, les lois du karma, sont tellement complexes et subtiles que le "bon" et le "mauvais" finissent par s'entremêlés de façon inextricable (2). Ainsi, sous l'effet d'un bon karma, une personne, par exemple, pourra naître d'une bonne famille - mais, néanmoins, subissant le résultat d'activités coupables passées (entremêlées avec les actions vertueuses) , devra faire face au décés prématuré de son père. Ou bien, elle jouira d'un physique agréable, mais devra néanmoins prendre naissance au sein d'une famille démunie. Ou bien encore, elle pourra jouir de l'opulence, de la beauté, de la renommée même, mais pendant une courte vie seulement. Et l'on pourrait ainsi multiplier les exemples à l'infini car les variantes dans ce domaine sont infinies. Quoiqu'il en soit, c'est un fait que nul ne peut nier, en ce qui concerne les quatre atouts majeurs de l'existence matérielle, nous ne sommes certainement pas égaux; certains sont plus favorisés que d'autres et jouissent ainsi, plus que d'autres, de l'existence matérielle.


Les Ecritures védiques nous avertissent cependant qu'il ne sert à rien de se réjouir outre mesure de "nos avantages" (comme de pouvoir voyager sur des paquebots de luxe) tout comme de se lamenter à l'excès de "nos désavantages". Selon le Chaitanya Charitamrta, notre situation en ce monde, même si elle est soi-disant favorable, est en fait toujours défavorable. Cela signifie que tant et aussi longtemps que nous demeurons dépourvus de conscience de Krishna tout ce que nous appelons favorable et bon, ou défavorable et mauvais, ne l'est que de nom. Car bonne situation comme mauvaise situation, ou bon et mauvais karma, dans la mesure ou tous les deux  nous forcent à renaître dans l'univers matériel sont aussi  indésirables l'un que l'autre. Ainsi, comme l'enseigne le Srimad-Bhagavatam, tant et aussi longtemps que nous demeurons dépourvu de conscience de Dieu et ne développons pas d'attrait pour Krishna, tout ce que nous entreprenons sera défavorable ou mauvais (voir SB 1.2.8):


'dvaite' bhadrābhadra-jñāna, saba — 'manodharma'
'ei bh āla, ei manda', — ei saba 'bhrama'


"Dans l'univers matériel, toutes les conceptions de bien et de mal ne sont que des élucubrations d'ordre mental. Par conséquent, le fait de dire "Ceci est bien" ou "Ceci est mal" est tout à fait erroné."
                               (Cc Antya 4.176)

 

Ainsi, et concrètement, ce qui est un avantage au niveau matériel, comme naître d'une bonne famille, posséder une certaine opulence, bénéficier d'une éducation supérieure et être séduisant,ne l'est pas forcément au niveau spirituel et peut constituer même un désavantage, un obstacle au progrès spirituel:

"La prospérité matérielle se traduit par le fait de naître dans une famille noble et de posséder de grandes richesses, une éducation supérieure et des traits physiques séduisants. Tous les matérialistes brûlent du désir d'acquérir cette prospérité, considérée comme la base de la civilisation matérielle. Mais ces divers atouts éphémères enivrent celui qui les possède, le font s'infatuer d'une vanité trompeuse. Devenu suffisant, voilà qu'il se trouve incapable de s'adresser au Seigneur avec sincérité, de prononcer avec âme Son Saint Nom: " ô Govinda, ô Krishna ". Or, les sastras nous révèlent qu'en prononçant ne serait-ce qu'une fois le Saint Nom du Seigneur, l'on peut s'affranchir d'un plus grand nombre de fautes que l'on n'en pourra jamais commettre. Telle est la puissance du Saint Nom. Et cette assertion ne comporte pas la moindre part d'exagération; cependant, il faut aussi prendre en compte la qualité de notre chant du Saint Nom, qualité que détermine la profondeur de notre sentiment, de notre sincérité. L'homme sans recours peut prononcer le Saint Nom du Seigneur avec force sincérité, celui qui le fait dans un sentiment de grande satisfaction matérielle en demeure incapable. Ainsi, un matérialiste infatué peut, à l'occasion, prononcer le Saint Nom du Seigneur, mais il ne saurait y mettre la qualité qu'il faut. "(Srimad Bhagavatam. 1.8.26)

Il ressort de tout cela qu'une situation apparemment défavorable au niveau matérielle, deviendra favorable si elle favorise notre conscience de Krishna.

 

(3) L'incertitude: l'océan peut également changer de façon tout à fait imprévisible, d'un instant à l'autre, et caractérise donc l'incertitude. Quand l'océan va-t'il changer d'aspect? Nul ne peut le prévoir vraiment. Sera-t'il menaçant ou tranquille, déchaîné ou paisible? C'est en fonction de l'intensité du vent, certainement, mais aussi d'autres facteurs: la rencontre entre airs chauds et airs froids qui, on le sait, peut entraîner des tempêtes et des ouragans violents; également, bien que beaucoup plus rarement, la formation d'un tsunami dont les origines peuvent être variées . Et comment savoir si le vent va tourner et quand ?- en passant voici une autre expression bien connue " Le vent a tourné "signifiant que la chance ou la malchance a tournée pour quelqu'un - , Comment savoir s'il va s'intensifier , se réchauffer, se refroidir, diminuer, disparaître, ou se changer en tempête? C'est donc l'incertitude quant à l'évolution du temps [ et cela, malgré les progrès indéniables réalisés au niveau des prévisions météréologiques (3)] et donc de celle de l'océan .

Transposée dans le domaine du karma et de la réincarnation, cette qualité d'incertitude prédomine. Ainsi, comme nous l'avons déjà mentionné, les lois du karma et de la réincarnation sont d'une subtilité et d'une complexité telles, et les actions des êtres qui l'engendre si variées, qu'il est pratiquement impossible de prévoir avec certitude ce qui nous attend dans cette vie comme dans notre prochaine(4).

D'autre part, il est à souligner que l'incertitude est la soeur jumelle de la peur. Une personne qui ignore quelle sera sa situation future se verra plongé automatiquement dans l'angoisse et la peur.

 

( 4) L'insécurité et la peur: même alors que l'on est embarqué sur le meilleur des bateaux, réputé insubmersible tel le Titanic ou plus récemment le Costa Concordia, rien ne garantie qu'un jour un iceberg, une tempête , un ouragan, un récif,  ou une vague gigantesque appelée techniquement "vague scélérate", ou même une attaque de pirates - comme il y en a de plus en plus de nos jours -, ne puissent sérieusement endommager ou couler notre bateau.

Transposée dans le domaine du karma et de la réincarnation, cette métaphore est remplie de signification. Mis à  part le pur dévot du Seigneur qui a pleinement pris refuge en Dieu, nul n'est libre du sentiment d'insécurité et de peur en ce monde matériel(5). Et cela, même si de multiples personnes -médecins, soldats,  policiers, psychologues, prêtres, ...-, nous entourent dans le but d’ assurer notre sécurité physique,  morale et spirituelle.

Si la protection offerte par ces différentes personnes est certes souhaitable, courante et bénéfique, il n'en est pas moins vrai qu'elle ne demeure que partielle et relative (voir "La réelle protection") . Les meilleurs médecins, par exemple, ne peuvent sauver un homme qui arrive au terme de sa vie. Ainsi, les lois du karma et de la réincarnation sont si rigides et impitoyables, que lorsqu'arrive le terme de notre vie, pas une seconde en plus,  au-delà du temps qui nous est imparti, ne nous est accordé. Il n'y rien alors qui puisse empêcher notre départ. Ainsi, quand vient le temps de mourir, de quitter ce corps et l'environnement auxquels  nous sommes  si attachés, même les meilleurs médecins ne peuvent rien pour nous.

Au moment de mourir tous ces divers protecteurs et soutiens ne nous seront d'aucun secours. Nous devrons faire face seul à notre sort. Tout le monde est égal face à la mort ; les puissants comme les petits, les illustres comme les inconnus, les nantis comme les démunis, les nobelisés comme les autres. A cet instant, notre prestige sociale, nos titres honorifiques, nos comptes en banque, notre notoriété, notre connaissance scientifique, etc... Tout cela ne nous est plus d'aucune utilité et d'aucun secours face à la mort. Seul importe alors notre conscience de Dieu (lire  à ce sujet la fable "Le passeur et le savant"). Ainsi, même si les hommes s'évertuent de milles façons à Le mettre de côté, le Seigneur Suprême, Se rappelle à eux au moment de la mort. C'est pourquoi les Ecritures disent que pour ceux qui ont vécu leur vie dans le déni de Sa personne, préférant se réfugier dans les chimères des plaisirs des sens (mâyâ), Dieu Se présente tout de même, mais sous la forme terrifiante de la mort et à cet instant, Il emporte tout. (BG10.34) .

(5) L'horreur:parfois l'océan se  déchaine et malmène violemment les embarcations . Il constitue alors une véritable menace pour les hommes. D'autres fois, de terribles tsunamis se produisent emportant la vie de milliers d'êtres vivants et dévastant des régions entières. D'autres fois encore, de redoutables pirates, armés jusqu'aux dents, prennent en otages les passagers d'un bateau et menacent de les tuer.

Transposée dans le domaine du karma et de la réincarnation, cette image métaphorique est remplie de signification. La vie au sein de la matière parfois se révèle particulièrement horrible. De par l'effet d'un mauvais karma, par exemple, à la suite d'un accident, d'une maladie ou même d'un suicide, des parents peuvent perdre leur enfant (comme ceux dont les enfants sont morts au cours du naufrage du Concordia) et une telle situation est particulièrement douloureuse et horrible à vivre. Ou bien encore, on peut apprendre un  jour que l'on est atteint d'une maladie  grâve, dégénérative et incurable telle la maladie d'alzeihmer (qui touche plus de 800 000 personnes âgées en France avec 225 000 nouveaux cas chaque année) . Voici quelques exemples de situations horribles associées au mauvais karma dans ce monde matériel.

Le bonheur matériel: de la souffrance en sursis.Srila Bhaktivinoda Thakura dans son célèbre "Radha-Krsna-bol", extrait de Gitavali,écrit:


(miche) māyāra vaśe, yāccha bhese',
khāccha hābuḍubu, bhāi


"O frère, tu souffres inutilement sous le joug de mâyâ, et tu es emporté par ses vagues, parfois flottant, et d'autres fois, sombrant dans cet océan d'illusion."

Srila Prabhupâda a maintes fois utilisé cette métaphore pour décrire deux aspects de la situation de l'âme conditonnée en ce monde matériel. Le premier aspect est sa condition d'être qui souffre, et l'autre, son illusion de se croire, malgré tout, heureux. Pour cela, souvent Prabhupada  compare la situation de l'âme conditionnée confrontée à l'existence matérielle, à celle d'un homme subissant le "supplice de la baignoire". Dans ce supplice - qui était pratiqué par les nazis et est aussi utilisée en ce moment, entre autres, par l'armée américaine contre les dénommés terroristes -, le tortionnaire maintient la tête du supplicié sous l'eau jusqu'à suffocation presque complète. A cet instant, le tortionnaire ressort sa tête de l'eau, permettant au supplicié de prendre une grande respiration avant, tout de suite après, de  lui replonger la tête sous l'eau. Reprenant la même métaphore que Bhaktivinoda, Prabhupâda compare le "plaisir" que ressent le supplicié au moment où il reprend une pleine gorgée d'air, au "plaisir" ou bonheur dans ce monde matériel. Quand on l'analyse objectivement, on se rend compte que dans l'existence matérielle ce que l'on appelle "le bonheur" ne résulte en fait que de l'interruption et du soulagement momentanés de la souffrance. L'extrait suivant "Peut-on améliorer le monde matériel?" de la série "Srila Prabhupada sans détours", l'exprime trés bien:

Un dévot: Je rencontre souvent des gens qui disent que sans le mal, le bien ne serait pas ce qu'il est.

Srila Prabhupâda: C'est la logique du criminel dont le châtiment est d'avoir la tête  tenue sous l'eau. Ses tortionnaires lui maintiennent la tête sous l'eau et alors qu' il est sur le point d'étouffer, ils sortent sa tête de l'eau,  et il exulte  ,"Ohhh, c'est tellement bon!" Mais, c'est alors que de nouveau ils lui replongent la tête dans l'eau.

Ainsi peut on comparer le bien et le mal de ce monde matériel: les gens  se retrouvent  la tête plongée de force dans l'eau ; ils suffoquent, et lorsqu' ils ont la tête un peu hors de l'eau ils s'exclament, "Ahhhh, ce monde est tellement bien!" Ces imbéciles ne savent pas que l'instant d'après ils seront de nouveau sur le point de suffoquer.

Ces quelques métaphores associées à l’océan, que nous venons de développer et qui caractérisent la situation de l'être dans l'existence matérielle, sont suffisantes pour souligner l'aspect  redoutable de notre situationen ce monde matériel. La raison de cette redoutable situation est notre assujettissement aux lois douloureuses et intransigeantes du karma et des morts et renaissances répétées, et la privation ainsi de véritable liberté.

 

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