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retour-a-krishna

"Je suis venu pour vous rappeler ce que vous avez oublié – Dieu. " Srila Prabhupada

La propriété des êtres démunis

 Enseignements 
de la Reine Kunti

(d'après les célèbres prières de la reine Kunti)




par  Sa Divine Grâce
A.C Bhaktivedanta Swami Prabhupāda

(traduction de Denis Bernier et Pierre Corbeil)



Dixième Chapitre  



La propriété des êtres démunis

namo 'kiñcana-vittāya
nivṛtta-guṇa-vṛttaye
ātmārāmāya śāntāya
kaivalya-pataye namaḥ







A Toi j'offre mes obéissances, Toi la propriété des êtres démunis. Tu n'es jamais affecté par les actions et réactions des modes de la nature matérielle (gunas) . Pleinement satisfait en soi, Tu es donc trés paisible, et des monistes  le maître.
                                  ( Srimad Bhagavatam 1.8.27)






    Un être perd toute ardeur à la vie dès qu'elle le prive de tout objet de possession. Nul ne peut donc, dans le sens propre du terme, être qualifié de renonçant. On ne renonce à une chose qu'en vue d'une autre, qui paraît de plus grande valeur. Un écolier, par exemple, ne sacrifiera ses jeux d'enfance que pour parfaire son éducation, un serviteur ne quittera son emploi que pour un autre, plus avantageux. De même, le bhakta renonce à l'existence matérielle non pour du vide, mais pour des valeurs spirituelles tangibles. Ainsi de Srîla Rûpa Gosvami, de Sanâtana Gosvami, de Raghunâtha Dâsa Goswami et d'autres, qui tous abandonnèrent leurs opulences matérielles pour adopter le service du Seigneur. Les six Gosvamis de Vrindâvana  étaient tous, avant de devenir tels, hauts placés dans l'ordre matériel; Sri Rûpa et Sanâtana occupaient les fonctions de ministres au sein du gouvernement du Bengale, et Raghunâtha Dâs Gosvami était le fils d'un riche zamindar (collecteur d'impôts) de son temps. Mais ils quittèrent tout, positions et richesses, et ils n'y furent pas perdants, mais acquirent au contraire un bien supérieur à tous ceux qu'ils possédaient auparavant. En général, les bhaktas ne conservent pas de grands biens matériels, mais ils possèdent néanmoins un trésor secret : les pieds pareils-au-lotus du Seigneur. Et la vie de Sri Sanâtana Gosvami nous en offre un exemple. Celui-ci avait relégué une pierre philosophale dans un monceau d'ordures. Un jour, à un misérable venu quêter auprès de lui quelque bien de valeur, il indiqua le monceau d'ordures, dans lequel notre homme fut bien aise de trouver un objet si précieux. Mais un doute lui vint par la suite : pourquoi une pierre d'aussi grande valeur était-elle négligée de la sorte ? Il retourna donc voir Sanâtana et le pria de lui céder le plus précieux de ses biens, sur quoi le Gosvami lui donna à chanter les Saints Noms du Seigneur.


Akiñcana : ce mot de notre verset désigne celui qui n'a rien de matériel à offrir à quiconque; et c'est le bhakta véritable, le mahâtmâ, qui a abandonné pour lui-même toute possession matérielle. Mais il peut cependant faire don du plus grand de tous les biens, qui est le Seigneur Suprême, sa seule et unique possession. Sanâtana Gosvami n'éprouvait, à l'égard de la pierre philosophale, nul sentiment de possession; autrement, il ne l'autrait jamais laissée dans un tas d'immondices. Par cette anecdote, on entend faire bien comprendre au bhakta néophyte qu'un dévot du Seigneur ne doit entretenir aucun désir matériel, ou, en d'autres mots, que les désirs matériels s'accordent très mal avec le progrès spirituel. À moins d'être en mesure de voir toute chose comme spirituelle, c'est-à-dire en relation avec le Seigneur, il est nécessaire de toujours établir une distinction très entre entre le spirituel et le matériel. Un maître spirituel de la qualité de Sanâtan Goswami possédait certes cette faculté, mais il voulut nous montrer la voie à suivre, à nous qui n'avons pas la vision spirituelle unitive.


Le progrès de la civilisation matérielle - d'où l'épanouissement du concept matériel de la vie - se dresse comme un grand obstacle sur la voie de la spiritualité, car il enchaîne toujours davantage l'âme à son enveloppe charnelle et à toutes les souffrances qui lui sont liées. C'est donc à bon droit qu'on qualifie d'anartha, d'indésirable, le progrès matériel. Il n'est d'ailleurs pas difficile de constater, dans le contexte actuel, fondé sur le progrès matériel, que l'attention est distraite par une foule d'objets indésirables, inutiles, tous créés à partir d'une conception matérielle de l'existence, comme c'est le cas, pour citer un exemple, des cosmétiques - dispendieux - et destinés au seul corps. Dans cette direction, l'énergie humaine se dépense en pure perte, car elle se detourne de la poursuite de la réalisation spirituelle, qui représente le plus grand besoin de l'être humain. Les efforts entrepris pour atteindre la Lune nous offrent un autre exemple de la façon dont l'énergie humaine est dilapidée, car même la réussite éventuelle des tentatives faites en ce sens laissera de toute manière irrésolus les problèmes de l'existence. Les dévots du Seigneur, pour leur part, se détachent des choses matérielles, d'où le qualificatif d'akiñcana qu'on leur attribue. Car, à vrai dire, les divers objets matériels sont autant de produits des trois gunas, qui nous détournent de l'énergie spirituelle, et moins nous en possédons, plus notre progrès spirituel se trouve facilité.


Le Seigneur n'a aucun contact direct avec les mouvements de la Nature matérielle. Tous Ses Actes, même ceux qu'Il montre dans l'Univers matériel, sont purement spirituels, et nullement influencés par les trois gunas. Il enseigne d'ailleurs Lui-même dans la Bhagavad-Gîtâ, que tous Ses Actes, de même que Ses apparitions et disparitions en ce monde, sont purement spirituels et que celui qui en connaît le caractère absolu retournera en Son royaume, n'aura plus à renaître dans l'Univers matériel (BG 4.9) .


La fièvre matérielle se traduit par l'ardent désir de dominer la Nature matérielle, et ce désir provient de l'interaction des trois gunas. Or, ni le Seigneur ni Ses dévots n'ont d'attachement pour la vaine jouissance matérielle, et pour cette raison, on les qualifie de nivritta-guna-vrittis. Le Seigneur Suprême est le parfait nivritta-guna-vritti, car jamais Il ne Se laisse prendre au charme de la Nature matérielle comme les êtres distincts, qui peuvent parfois se laisser captiver par cette énergie d'illusion.


Le Seigneur Se donne à Ses dévots et Ses dévots se donnent à Lui; ils s'appartiennent mutuellement. Par voie réciproque donc, les bhaktas transcendent les trois gunas au même titre que le Seigneur. Cela va de soi. Mais nous parlons, bien entendu, des purs bhaktas, qu'il faut distinguer des bhaktas dits " mixtes ", et qui approchent le Seigneur afin qu'Il mette un terme à leurs souffrances ou à leur pauvreté, ou encore par curiosité, ou par la voie spéculative. Les bhaktas sans mélange, eux, s'attachent au Seigneur, comme le Seigneur S'attache à eux, d'une manière purement spirituelle, dans un parfait sentiment de réciprocité. Pour les autres, qui recherchent auprès du Seigneur quelque bienfait d'ordre inférieur, teinté de matériel, il ne saurait être question, venant du Seigneur, de sentiments réciproques; aussi qualifie-t-on le Seigneur d'âtmârâma, signifiant qu'Il est le maître de tous les monistes, lesquels cherchent à se fondre en Lui dans l'espoir d'y trouver leur satisfaction propre. Ces monistes peuvent s'immerger dans la radiance du Seigneur - le brahmajyoti -, mais les bhaktas, eux, gagnent de participer aux Divertissements sublimes du Seigneur, qu'il faut certes se garder de voir comme matériels.


Le fait d'être matériellement appauvri représente la première qualification du dévot. Quiconque, en l'Univers matériel, ne possède rien sauf Krishna prend le nom d'akiñcana, terme signifiant " qui a perdu toutes ses possessions matérielles ". Tant que nous habite la moindre notion d'acquérir le bonheur matériel d'une façon ou d'une autre, il nous faudra encore assumer un corps de matière. La Nature se montre si bonne qu'elle nous offre, sous la direction du Seigneur, un corps conforme à notre désir de jouir de ce monde. Sis dans le cœur de tous, le Seigneur sait tout. Sachant ainsi que nous aspirons encore au temporel, Il nous accorde un nouveau corps matériel : " Vas-y, prends-le. " Krishna veut qu'on réalise pleinement, à travers l'expérience, qu'aucun gain matériel ne nous rendra heureux. Tel est Son désir.


Faisant partie intégrante de Krishna, nous jouissons comme Lui d'une liberté totale, quoique notre liberté soit quantitativement infime. Même si la quantité de sel présente dans une goutte d'eau de mer ne puisse se comparer à celle de l'océan, la composition chimique de la goutte et de l'océan est identique. Pareillement, tout ce que nous possédons en quantité infime se trouve présent en Krishna, mais dans toute sa plénitude (janmâdy asya yatah). À titre d'exemple, nous sommes portés à voler, à prendre ce qui appartient à autrui. Pourquoi? Parce que cette même tendance habite Krishna. Si la Vérité Absolue était privée de cette inclination, comment pourrait-elle se retrouver en nous? Krishna est reconnu comme " le chapardeur de beurre ". Mais Ses vols et les nôtres sont différents. Matériellement souillés, nos vols sont abominables alors qu'au niveau spirituel de l'Absolu, le même fait de voler s'avère des plus agréables. Mère Yasodâ aime donc voir Krishna voler. Voilà ce qui distingue le matériel du spirituel.


Toute activité spirituelle est infiniment bonne tandis que tout acte matériel est entièrement mauvais. Voilà la différence qui sépare le matériel du spirituel. Les prétendues moralité et vertu de l'Univers matériel ne valent rien de bon; alors que dans le monde spirituel, même la soi-disant immoralité est positive. Voilà ce qu'il faut comprendre. Le fait de danser avec la femme d'autrui en pleine nuit, par exemple, est immoral du moins dans la civilisation védique. Même aujourd'hui, en Inde, une jeune femme ne sera jamais autorisée à aller danser la nuit avec un jeune homme. Mais nous voyons, dans le Srimad-Bhâgavatam, que dès qu'elles entendirent la flûte de Krishna, toutes les gopîs - les jeunes filles de Vrindâvana - allèrent danser avec Lui. Ce qui est certes immoral d'un point de vue matériel. Or, vu d'un angle spirituel, cela est conforme à la plus haute moralité. D'où le verdict suivant de Chaitanya Mahâprabhu : ramyâ kâcid upâsanâ vraja-vadhû-vargena yâ kalpitâ - " Aucun mode d'adoration ne surpasse celui des vraja-vadhûs, des jeunes filles de Vrindâvan. " Après avoir adopté l'ordre du renoncement, Chaitanya Mahâprabhu évita rigoureusement tout contact avec les femmes. Même alors qu'Il était marié, Il ne plaisantait jamais avec elles. Très humoriste, Il ne l'était qu'avec les hommes. Un jour, Il plaisanta avec Son épouse, Visnupriyâ. Saciîmâtâ, la mère de Sri Chaitanya, cherchait alors quelque chose; par plaisanterie, Il lui dit : " Peut-être est-ce ta belle-fille qui l'a pris. " Mais de Son vivant, telle fut la seule plaisanterie qu'Il prononça dans un contexte féminin. Il était si strict qu'après avoir adopté le sannyâsa, aucune femme ne pouvait L'approcher, fût-ce pour Lui offrir son hommage. Elles devaient, au contraire, le faire de loin. Néanmoins, Chaitanya Mahâprabhu disait : ramyâ kâcid upâsanâ vraja-vadhû-vargena yâ kalpitâ - " Aucun mode d'adoration ne surpasse celui conçu par les jeunes filles de Vrindâvan. " Quel était-il? Elle voulaient aimer Krishna à tout prix. Ce qui n'est jamais immoral.


Aucune immoralité ne peut s'attacher à Krishna. Citons un autre exemple de ce fait. Nrisimhadeva, un avatâra de Krishna, mit à mort Hiranyakashipu pendant que Prahlâda Mahârâja, son fils, se tenait tout près sans protester. Est-ce là un comportement moral? Qui aimerait voir son propre père tué? Qui resterait là sans protester? Personne n'approuverait une telle conduite, la qualifiant de morale. Or, les événements se déroulèrent bien ainsi. Qui plus est, Prahlâda Mahârâja confectionna même une guirlande pour Nrisimha. " Cher Seigneur de la mort, Lui dit-il, accepte ce collier de fleurs. Tu as tué mon père et Tu es sans reproche. " C'est dans une optique spirituelle qu'on doit comprendre ce comportement. Dans l'impossibilité de protéger son père si celui-ci est victime d'une attaque, il faut certes protester et appeler au secours. Mais comme c'était Krishna qui, sous la forme de Nrisimhadeva, avait donné la mort à son père, Prahlâda Mahârâja confectionna une guirlande pour le Seigneur. Une fois son père mort, Prahlâda dit à Nrisimhadeva : " Cher Seigneur, tous sont heureux maintenant que mon père a rendu l'âme. Résorbe, je T'en prie, Ton courroux. "


Le sâdhu, l'âme sainte, n'approuve jamais l'acte de tuer fût-ce un animal. Mais selon Prahlâda : modeta sâdhur api vrscika-sarpa-hatya - " Même les saints personnages prennent plaisir à voir un scorpion ou un serpent se faire tuer. " [S.B. 7.9.14] Le scorpion et le serpent sont aussi des êtres vivants, et le sâdhu n'est jamais heureux de voir un être mis à mort. Mais Prahlâda n'en dit pas moins : " Même le sâdhu prend plaisir à voir un serpent ou un scorpion se faire tuer. Mon père était comme un serpent ou un scorpion; lui mort, tous sont désormais heureux. " Diaboliquement dangereux, Hiranyakashipu aimait tourmenter les dévots. Quand un tel monstre est anéanti, même les âmes saintes en sont heureuses, bien qu'elles n'aiment pas habituellement voir quiconque mis à mort. Même s'il semble ici que Krishna ou Prahlâda Mahârâja ait agi de façon immorale, leur conduite est en parfaite harmonie avec la plus haute moralité.


Krishna est akiñcana-vitta, le seul réconfort pour qui a perdu tout ce qui est matériel. Krishna dit dans le Chaitanya-caritâmrita (Madhya 22:38) : " Quiconque Me désire, tout en aspirant simultanément à la prospérité matérielle, est certes un insensé. " Krishna Se montre si bon que, si on désire l'opulence temporelle en aspirant dans un même temps à la dévotion, le Seigneur ruine notre vie matérielle. Voilà pourquoi les gens ont très peur d'adopter la conscience de Krishna, pensant : " Ma prospérité s'évanouira. "


Les gens fréquentent généralement l'église ou le temple pour prier Dieu à des fins matérielles : " O Seigneur, donne-nous notre pain quotidien. " Or, même s'ils approchent Dieu pour prospérer matériellement - " Donne-moi ceci, donne-moi cela " -, on les dit pieux du fait qu'ils approchent Dieu, ce que ne feront jamais les athées. " Pourquoi aller vers Dieu? demande l'athée. Je créerai ma propre fortune et grâce au progrès scientifique, je connaîtrai le bonheur. " Ainsi pense le pécheur endurci, le duskritî : " Ma prospérité personnelle ne dépendra que de ma propre force et de mon savoir. " L'âme pieuse, elle, se dit : " Mon opulence repose sur la grâce de Dieu. "


Il est vrai que sans la sanction du Seigneur, rien ne peut réussir. Tâvat tanur idam tanûpeksitânâm. Nous avons découvert maintes façons de neutraliser la maladie; mais sans la sanction divine, elles ne sauraient nous soulager de nos souffrances. À titre d'exemple, un patient peut être suivi par un médecin qualifié, qui lui prescrira d'excellents médicaments. Mais si on lui demande : " Pouvez-vous garantir que ce patient vivra? ", le médecin répondra toujours : " Impossible, mais je ferai de mon mieux. Je ne peux promettre davantage. " Tout docteur intelligent sait : " L'ultime sanction repose dans les mains de Dieu, dont je ne suis que l'instrument. S'Il ne désire pas que le patient vive, tous mes remèdes et toute ma science médicale échoueront. "


Krishna incarne donc l'ultime sanction. Les sots ignorent cette vérité, ce qui leur vaut le nom de mudha. Même s'ils s'évertuent de leur mieux, ils ne ne savent pas que sans l'ultime sanction divine de Krishna, ils échoueront lamentablement. Le dévot, par contre, pense : " Je peux chercher le bonheur en faisant appel à toute mon intelligence; mais sans la sanction de Krishna, je n'y parviendrai jamais. " Voilà ce qui distingue le dévot d'une personne sans dévotion.


Pour citer à nouveau les propos de Krishna : " Celle ou celui qui veut M'approcher pour devenir conscient de Krishna, en aspirant simultanément au bonheur matériel, ne fait pas preuve d'une grande intelligence, mais perd son temps. " Notre principal souci consiste à devenir conscient de Krishna. Voilà la principale mission de l'être humain. Si, perdant notre temps dans la quête de mieux-être matériel, nous oublions de chanter (ou de réciter) le mantra Hare Krishna, notre perte sera lourde. D'où les paroles suivantes de Krishna : âmi - vijña, ei mûrkhe 'visaya' kena dibâ; " Un misérable peut Me demander quelque prospérité matérielle en échange de son service de dévotion. Mais pourquoi exaucer sa prière? J'emporterai plutôt tout ce qu'il possède. " (C.C. Madhya 22:39).


Notre avoir matériel disparu, nous sombrons dans une profonde morosité. Mais il s'agit là d'une épreuve, comme l'affirma Krishna à Yudhisthira Mahârâja, quand celui-ci s'enquit de Lui : " Nous dépendons entièrement de Toi, pourtant, nos souffrances matérielles sont si grandes. Notre royaume nous fut retiré, notre épouse insultée, et nos ennemis ont cherché à nous faire brûler avec notre demeure. Comment est-ce possible? " Et Krishna de répondre : yasyâham anugrhnâmi harisye tad-dhanam sanaih - " En effet. Voilà Mon premier devoir. Lorsque Je favorise particulièrement quelqu'un, Je lui retire alors toute source de revenu et le plonge dans de grandes difficultés. " Ainsi Krishna est-Il très dangereux.


Dans ce contexte, j'ai moi-même vécu une telle expérience. Je ne souhaite pas entrer ici dans tous les détails, mais c'est un fait que Krishna m'a montré une faveur toute spéciale. Quand j'avais vingt-cinq ans, mon Guru Mahârâj - mon maître spirituel - m'ordonna de prêcher. Mais je pensai : " Devenons riche d'abord, puis utilisons cet argent pour financer notre œuvre de prédication. " D'excellentes perspectives d'affaires s'offraient à moi. Selon un astrologue, ma fortune égalerait un jour celle de l'homme le plus riche de l'Inde. J'étais le directeur d'une grande entreprise pharmaceutique réalisant de très bonnes affaires. Mais tout s'effondra avec le temps, m'obligeant ainsi à exécuter les directives de mon Guru Mahârâj. Tout mon avoir matériel disparu, j'approchai Krishna en disant : " Tu es le seul refuge. " Ainsi Krishna est-Il akiñcana-vitta; Il appartient aux âmes matériellement appauvries. Privé de toute opulence temporelle, on se tourne alors vers Krishna. Je réalise désormais que je n'ai pas perdu mais gagné.


Le fait de perdre des biens temporels pour la cause de Krishna ne représente donc pas une perte. Au contraire, il s'agit là du plus haut gain. Devenu akiñcana, n'ayant rien à posséder, Krishna devient alors notre seule richesse. Exprimant cet entendement, Narottama Dâsa Thâkura chante :


                    hâ hâ prabhu nanda-suta
                        vrsabhânu-sutâ-yuta
                       karunâ karaha ei-bâra
                        narottama dâsa kahe
                        na theliyâ rnaga-pâya
                      tumi vinâ ke âche âmâra

 


" Je n'ai aucune autre possession que Toi, Krishna. Ne me néglige pas, car je n'ai que Toi. "



Voilà une excellente position. Qui ne dépend d'aucune circonstance matérielle, mais s'en remet simplement à Krishna, atteint l'apogée de la conscience de Krishna. D'où le qualificatif d'akiñcana-vitta qu'on applique à Krishna. " Qui s'appauvrit matériellement n'a d'autre richesse que Toi. " Namo 'kiñcana-vittâya nivrtta-guna-vrttaye : " Qui T'accepte comme sa seule possession s'affranchit aussitôt de l'action de la Nature matérielle. " En d'autres mots, en acceptant ainsi Krishna, on atteint le niveau spirituel de l'Absolu. Âtmârâmâya : " On partage alors Ton bonheur. Krishna, Tu es heureux, et en s'abandonnant à Toi, on le devient également. " Il n'existe aucune différence entre le corps de Krishna et Lui-même. Il est entièrement spirituel. Nous, par contre, possédons un corps qui est différent de nous-mêmes. Je suis une âme, mais dotée d'un corps matériel. Or, lorsque nous dépendons vraiment de Krishna, qui trouve en Lui-même toute Sa satisfaction, nous pouvons nous aussi devenir satisfaits en Krishna.


Kaivalya-pataye namah : les philosophes Mâyâvâdîs, ou monistes, veulent faire un avec le Suprême, qui puise Sa satisfaction en Lui-même. Eux désirent en faire autant en se fondant en l'Entité Suprême. Notre philosophie, celle de la conscience de Krishna, s'avère identique; mais au lieu de devenir un avec Krishna, nous dépendons plutôt de Lui. Telle est la véritable unité. En acceptant simplement les directives de Krishna, sans plus aucun désaccord, nous nous établissons dans la véritable unité.


Les philosophes Mâyâvâdîs pensent : " Pourquoi conserver mon existence distincte, individuelle? Je me fondrai dans le Suprême. " Mais cela n'est guère possible. De toute éternité, nous sommes des fragments distincts de Krishna, qui dit donc dans la Bhagavad-gîtâ: " Sache, mon cher Arjuna, que toi, Moi et toutes les personnes assemblées sur ce champ de bataille étions des individus dans le passé, comme nous le sommes encore maintenant, et jamais nous ne cesserons d'être tels. " (BG 2:12)


Nityo nityânam cetanas cetanânâm : Krishna est le suprême nitya, la force vitale suprême d'entre les myriades de forces vitales. Les entités vivantes (jîva) - dont nous sommes - s'avèrent innombrables (ananta); nul n'en connaît le nombre. Krishna est également un être vivant, mais Il incarne l'Entité Suprême, le guide de tous. Voilà la différence. Un leader peut avoir de nombreux partisans. De la même façon, Krishna, l'Être Suprême, est le souverain Leader, dont nous dépendons, nous, êtres subordonnés.


Il est facile de comprendre que nous sommes dépendants. Si Krishna nous privait de nourriture, nous en mourrions, étant indépendemment incapables de produire quoi que ce soit. Eko bahûnâm yo vidadhâti kâmân : Krishna soutient tout ce qui est, nous compris. Krishna étant ainsi le vrai maître, nous devons accepter d'être subordonnés. Telle est notre condition naturelle, constitutionnelle. En voulant artificiellement devenir maîtres en l'Univers matériel, nous nous berçons d'illusions. Il faut renoncer à pareilles illusions et toujours nous placer sous la tutelle de Krishna, couronnant ainsi notre vie de succès.



                            SUITE:  Au contact de l'énergie supérieure
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