9 Octobre 2007
Le cordonnier
Modestement un cordonnier
Avait ouvert une boutique,
Au pied des murs d'un évêché
Et sa célèbre basilique.
Dans son échoppe défilaient
Les paysans et la noblesse
D'humeur égale, il contentait,
Le cardinal et la novice.
Quand de ses mains il réparait
Les sandales des pèlerins,
Avec sa langue il murmurait
Sans se lasser des versets saints.
Un être descendu du ciel
Un beau soir vint le visiter;
C'était l'archange Saint Michel
Venu admirer sa piété.
Manquant faillir, presque aveuglé,
Devant cette intense lumière,
Le cordonnier tombe à ses pieds
Improvisant une prière.
L'ange finit par s'exprimer
D'une voix pleine de douceur:
"Là d'où je viens, j'ai pu parler
En aparté au Créateur."
"Demande-moi, car je pourrais
Réaliser tes plus beaux rêves
Te révéler bien des secrets
Avant que ta vie ne s'achève."
"La réussite ou la malchance,
Dans le futur ou ici-bas,
Je les laisse à la providence;
Mon salut ne me soucie pas."
"Mais bienheureux, que faisait donc
L'Être Suprême en Sa demeure?
En m'en faisant la relation,
Vous feriez mon plus grand bonheur!"
"Je L'ai vu quand j'étais là-haut,
Orné de pierres qui scintillent,
Faire se glisser un grand chameau
A travers le chas d'une aiguille!"
Dans son palais de dignitaire,
Parmi des prélats vaniteux,
A l'archevêque l'émissaire,
Fait part de sa visite aux cieux.
Lorsque le saint décrit l'image
Du chas ou le chameau passait,
Aussi violet que son bonnet,
Le monseigneur se met en rage.
"Si j'aime la plaisanterie,
Mon temps, je crains, reste compté.
Malgré tout je vous remercie
D'être venu nous visiter."
Quand vient le temps pour l'envoyé
De retourner au paradis,
Il rend visite au cordonnier
Penché derrière son établi.
"Une question me taraudait,
Lors de la nuit quand je t'ai dit
Par où le chameau traversait,
Tu n'as pas eu l'air surpris!?!"
-"Songez au chêne centenaire,
Dans la forêt, c'est un géant;
Il est pourtant originaire
D'un minuscule petit gland!"